VILLE D’HIVER

Redonner vie à un lieu laissé pour compte est un magnifique pari. Ancienne usine de la Compagnie Générale des Eaux d’Arcachon reconvertie en hôtel, la Ville d’Hiver promet un véritable bond hors du temps.

L’âme de la Ville d’Hiver est palpable – celle de l’hôtel tout autant que celle du quartier qui lui donne son nom. A l’heure où la maison souffle ses dix premières bougies, elle offre un séjour à travers les siècles. Une fois sa voiture garée, son train débarqué et ses valises posées, il suffit au visiteur de se laisser porter. Ici, tout se découvre à pied. On rejoint la mer en dix minutes, tandis que la forêt de pins jouxte directement la propriété. Le quartier, résidentiel, est un havre de paix du plus bel effet qui porte dans sa mémoire plus de cent ans d’histoire.

Retour dans le passé. En 1865, Emile et Isaac Pereire, entrepreneurs des chemins de fer, fleurent l’explosion du tourisme sur le Bassin d’Arcachon. Alors que la ville triple sa population en été, les deux frères cherchent à rentabiliser leur investissement 365 jours par an. Une idée ne tarde pas à germer : à une époque où la pénicilline n’a pas encore été découverte, les sanatoriums sont encore ce qu’il se fait de mieux pour soulager les tuberculeux. La côte Atlantique n’en compte alors aucun. Eurêka ! Plus de 300 villas cossues destinées aux malades et à leurs – riches – familles sortiront de terre en un temps record sur les hauteurs d’Arcachon. Bienvenue à la Ville d’Hiver.

En 2020, le quartier n’a rien perdu de sa superbe – seulement ses malades. Au gré d’une balade le long de ses petites rues sinueuses – on dit qu’elles ont été dessinées afin d’empêcher tout courant d’air de se créer, nocifs pour les tuberculeux – une architecture singulière se dévoile. Pas une maison ne se ressemble trait pour trait ! Ce joyeux pêle-mêle hybride emprunte aux styles néo-gothique, mauresque, à la maison coloniale et même au chalet suisse leurs attributs distinctifs qui donnent son caractère unique à chaque villa. Ces maisons, que l’on dit “arcachonnaises”, et leur quartier, sont aujourd’hui inscrits à l’inventaire des Monuments Historiques de France.

C’est donc au cœur de cette ville dans la ville que se sont installés Nathalène et Olivier Arnoux. Leur hôtel, ils l’ont découvert sous les ronces. S’ils pensaient s’établir du côté du Cap Ferret, ils tombent sous le charme de l’ancienne usine élévatrice de la Compagnie Générale des Eaux, édifiée en 1884 et propriété de la mairie depuis sa mise hors-service. Le bâtiment est nu, en friche, dépourvu de vie. Le pari est de taille : faire revivre tout un pan de l’histoire d’Arcachon. En 2009, après dix mois de travaux, le couple inaugure un hôtel flambant neuf, qui semble avoir pourtant toujours existé. Si l’usine abrite désormais les lieux de vie communs, ce sont bien dans deux nouveaux bâtiments créés ex-nihilo que s’imbriquent les chambres. Un tour de force pour l’architecte Emmanuel Graffeuil qui, un siècle plus tard, a su redessiner les contours de l’architecture sans pareille du quartier. Une villa d’époque adjacente à la propriété complète l’offre d’hébergement qui comprend dix chambres, en tout.

Conjuguant les styles et les époques, l’hôtel la Ville d’Hiver semblerait dater lui aussi de 1884, sans paraitre démodé. Prônant une esthétique intemporelle, les lieux se parent d’un savant mélange de rééditions de design du début du siècle, avec notamment une belle sélection de mobilier de l’éditeur danois Gubi, qui apporte la juste touche de modernité, et de meubles chinés sur les brocantes ou dans les greniers familiaux. Les murs s’habillent de toiles d’artistes locaux ou de reproductions authentiques de grands maîtres. Le bois vient se frotter au cuir, les tissus irlandais jonchent les banquettes, la couleur s’étale sur de grands tapis et de larges bouquets de fleurs. Avec un peu de flair, on se surprend à déceler un côté british à l’ensemble, le mariage des couleurs – sols bleu roi par-ci, touches audacieuse de vert, de violet et de magenta par là – faisant foi d’un certain anticonformisme. Touché : Nathalène Arnoux est une fervente amatrice du style éclectique des intérieurs d’Outre-Manche.

Autre fait marquant à la Ville d’Hiver : la douceur de son atmosphère. Réminiscence du passé curatif du quartier ou véritable état d’esprit, tout n’est que quiétude. L’écrin, certes, y est pour quelque chose : les moquettes au sol adoucissent les pas, le bois omniprésent rappelle les maisons de famille, la lumière – du jour ou artificielle – saupoudre le tout d’une chaleur irrésistible.
Les services n’en déçoivent pas moins. L’accueil se fait avec le sourire aux lèvres, grâce à un personnel fidèle à la maison depuis son ouverture. Le restaurant, un bistronomique, sert une cuisine authentique et généreuse où les locaux se rendent souvent en pèlerinage – l’adresse est une des meilleures d’Arcachon. Le spa, co-créé avec la marque de cosmétiques éco-responsables et naturels Dr. Hauschka, prolonge la détente avec des soins du visage et des massages de haut vol, couronnés d’un hammam. L’option piscine est aussi des plus délectables : creusée dans l’ancienne cuve de l’usine des eaux, elle se trouve à l’abri des courants d’air, comme cachée sous une marée d’herbes folles. Après quelques brasses toniques, on se love dans les fauteuils style Strandkorb, ou “corbeille de plage”, très appréciées des plages fraîches d’Europe du Nord, idéals pour se perdre dans l’intrigue d’un bon livre.

Profondément culturel, l’hôtel aime convier ceux qui placent l’art au coeur de leurs vies. Les expositions de photos et de peintures s’enchaînent mais ne se ressemblent pas. On croise dans les couloirs des écrivains assignés à résidence – l’hôtel édite des recueils de nouvelles régulièrement. Les pièces de décoration ont souvent une histoire, à l’instar de ces vases exposés dans le salon, façonnés par un surfeur rencontré sur une plage de Californie. L’été, c’est au bord de la piscine que l’on s’attarde pour écouter un concert a capella. À l’image de sa première vie, la Ville d’Hiver revigore et apaise corps et esprits.

INFORMATIONS PRATIQUES

20 avenue Victor Hugo 33120 Arcachon
05 56 66 10 36
@hotelvilledhiver

 

Photographe – Alexis Atteret
Texte – Fanny Liaux