D’UNE ÎLE

Pétrie par ses vies antérieures, la maison de campagne et table d’hôtes D’une Île, nichée en plein coeur du Perche, est une parenthèse hors du temps pour citadins en mal de simplicité.

Ne cherchez pas comme chez Septime ou Clamato – deux autres adresses du groupe fondateur des lieux – une référence déguisée dans le titre. Non, « D’une Île » est un nom de baptême hérité des anciens propriétaires. La transmission est justement la raison d’être de cette oasis  campagnarde qui accueille ses hôtes dans des murs vieux de plus de quatre siècles.

Situé à environ deux heures de Paris, posté à équidistance du Mans et de Chartres, le Parc naturel régional du Perche se dévoile dans le plus simple appareil, et avec lui, D’une Île. À Rémalard, bourgade jusque-là inconnue du gotha citadin, ce gîte bohème de huit hectares R fait depuis une poignée d’années office de résidence secondaire pour la famille Septime, conglomérat gourmand établi rue de Charonne, à Paris. Dirigé par l’entrepreneur Théophile Pourriat et le chef Bertrand Grébaut, le groupe ajoute en 2018 avec D’une Île une quatrième adresse à son catalogue hétéroclite, déjà composé d’un restaurant gastronomique étoilé (Septime), d’un bar iodé (Clamato) et d’un cellier à vins natures et épicerie bio (La Cave). Tapisserie, une pâtisserie artisanale, complète depuis ce savoureux tableau. 

La naissance de D’une Île doit tout au destin. Un break entre copains amène Théophile Pourriat à poser ses valises le temps d’un week-end au gîte originel. Il y fait la connaissance des hôtes, un couple de charmants Néerlandais. L’histoire aurait pu s’arrêter là mais quelques mois plus tard, l’entrepreneur reçoit un coup de fil : le couple cherche à vendre et demande des conseils. Théophile s’enquiert du dossier de vente, qui finit sur son bureau pour relecture. Un dernier coup d’œil changera la suite des événements : il appelle Bertrand pour lui présenter le projet car, finalement, cette baraque, ils pourraient bien en faire leur pied-à-terre à la campagne… Deux mois et demi plus tard, les Néerlandais repartent à Amsterdam et le duo se voit remettre les clés du domaine. 

Pas de gros travaux ni de remodelage, Théophile et Bertrand décident de conserver la propriété dans son jus et d’en exploiter le charme suranné. Certes, quelques transformations, dont l’ajout de deux chambres modernes, un sauna dans une bulle panoramique établi sur la colline – et bientôt, un bassin de nage à eau salée – façonnent un lieu à destination d’une clientèle exigeante. Il n’empêche que tout semble avoir toujours été là. Murs en pierres, tomettes ocres et poutres massives composent le socle commun. Dans les dix chambres, comme partout d’ailleurs, la décoration est minimaliste et rustique. Elle a été chinée dans les brocantes de la région, parfois trouvée en bord de route ou au fond d’une grange. Table égratignée, fauteuil scandinave, (très) bon lit, beaucoup de blanc… Un dépouillement qui rappelle la vie simple d’autrefois, même si les connaisseurs reconnaîtront quelques pièces de designer, luminaires Tom Dixon ou céramiques LRNCE en tête, qui ancrent D’une Île, ère Septime, dans son époque.

Pour découvrir tout cela, il faut s’armer d’un peu de patience et d’une voiture avec de bonnes suspensions. Car le bonheur se trouve… en haut du chemin ! La propriété se dévoile sous les traits d’un instantané bucolique : on distingue, au loin, comme accrochées dans la forêt, les cinq chaumières de pierres qui composent le gîte. Bienvenue chez vous. Car ici, les conventions s’estompent à mesure que l’on découvre les hôtes du lieu : Coralie, Marine, Laurine… D’une Île se définit en effet comme une maison de campagne plutôt qu’un hôtel. Comme à la maison, donc, on n’hésitera pas à bouquiner au coin du feu, à passer une tête en cuisine, à désherber le potager… Ni à chausser ses bottes de pluie pour arpenter la forêt voisine, à la recherche de champignons ou d’herbes aromatiques qui se retrouveront à l’heure du goûter en infusion ou le soir dans l’assiette. 

L’assiette, justement, tient sa petite réputation. Bien que majoritairement occupée par les résidents, la table d’hôtes D’une île s’est rapidement imposée comme le rendez-vous des grandes occasions pour les gens du coin. S’y dressent deux dizaines de couverts dépareillés, parfois ébréchés, une collection elle aussi constituée au gré des flâneries locales de l’équipe fondatrice. À l’image des visages désormais familiers qui assurent aussi le service, la décontraction est de mise. Pas d’uniformes ni de nappes, encore moins de cérémonial ou de mets impossibles à déchiffrer, la cuisine se fait la gardienne de la philosophie de la maison. Humble et sincère, la carte est l’œuvre du chef Bertrand Grébaut, co-auteur des lieux. Récompensé d’un macaron Michelin pour la partition néo-bistronomique du Septime, il détricote ici les codes pointus qui ont fait la renommée de son adresse étoilée pour donner à D’une Île la saveur d’une auberge rurale, mais exigeante. Au menu, quelques grands classiques du répertoire français – œuf à la coque, pâté en croûte… selon les envies et les saisons – côtoient une cuisine brute à dominante végétale, deux qualificatifs hérités du maître du genre, Alain Passard, auprès duquel le chef Grébaut a fait ses armes en amorce de sa carrière. 

À chaque coup de fourchette, les goûts et les saveurs résonnent en bouche comme rarement. Une banale salade de tomates s’imprime illico dans la mémoire de nos papilles. Trésor du terroir régional, chaque produit travaillé en cuisine sort tout juste de terre. Une fraîcheur exceptionnelle empreinte de tradition qui garantit de grands moments en bouche… Si certaines denrées ont grandi à domicile, dans le potager cultivé par les équipes, l’autre partie du garde-manger provient directement des marchés et des producteurs voisins. C’est Nicolas qui livre les fruits et légumes, Didier les œufs… La boulangerie se fait sur place, tout comme la pâtisserie. La cuisine a d’ailleurs tiré un trait sur tout ce qui n’aurait pas poussé en terre normande ou sarthoise afin de respecter l’ancrage local qui anime D’une Île depuis des générations. L’exception qui confirme la règle concerne la cave : c’est vrai qu’à part le cidre, la viticulture n’est pas à son apogée dans le coin ! Les vins à la carte sont bien sûr natures ou biodynamiques, issus de vignobles européens ayant tiré leur épingle du jeu sur la table du Septime. Une fois élus par la clientèle de la rue de Charonne, les meilleurs jus sans intrants prennent sans détour le chemin du Perche.

Et l’écologie dans tout ça ? « Le gîte est écolo, par la force des choses » nous répond-on. Et de se rappeler que la vie à la campagne, c’est depuis toujours rendre les cagettes au primeur qui vient livrer ses fruits et légumes, composter les déchets organiques et vivre au rythme des saisons. Chez D’une Île, comme dans les fermes d’antan, le quotidien est fait de petites choses simples. Une pause nécessaire, loin du tumulte de la ville.

INFORMATIONS PRATIQUES

Lieu-dit L’Aunay
61110 Rémalard

T – +33 (0)2 33 83 01 47 7
@duneile

 

Photographe – Théophile Pourriat & D’Une Île
Texte – Fanny Liaux-Gasquerel