DÉONTOLOGIE DU DESIGN

Le concept d’autoproduction prôné par Mari n’en finit pas d’inspirer des générations de designers critiques et engagés.

« Nous savons tous que, parmi tous ceux qui travaillent dans cette étrange, ambiguë, incertaine et glissante profession qu’on appelle aujourd’hui le « design », Enzo Mari est l’un de ceux qui s’accrochent avec le plus d’entêtement et de désespoir au rêve de le sauver de son péché originel, de le sortir de la corruption, en le plaçant à la disposition des gens cafardeux dans les rues plutôt qu’à la disposition (…) de l’aristocratie au pouvoir. » Ettore Sottsass, 1974. 

Penseur discret et engagé, fils d’une famille pauvre venue des Pouilles, Enzo Mari fut d’abord vendeur ambulant avant d’étudier à l’Académie des Beaux-Arts de Brera où il découvre la folie expérimentale des années 1950 et 1960. Emporté par le Covid-19 le 19 octobre 2020, il laisse derrière lui une constellation d’œuvres, pour reprendre le terme employé par Stefano Boeri, directeur de l’immense Musée de la Triennale, à Milan, qui lui consacra sa dernière rétrospective, inaugurée deux jours avant la disparition de l’artiste. Une myriade d’œuvres, mêlant douceur et austérité, spontanéité et rigueur, avec toujours, l’éthique et l’intégrité en ligne de mire. Celui qu’Hans Ulrich Obrist – commissaire de ladite exposition – aimait appeler « Le Marcel Duchamp du design » continue à inspirer étudiants et créateurs, notamment à travers son projet le plus crucial, véritable manifeste visant à révolutionner le monde de la distribution : Autoprogettazione. Comprenez : Autoconception.

Autoprogettazione
En 1974, Enzo Mari publie pour la première fois un petit livre, imaginé en toute humilité, mais qui pourtant fera scandale dans le tout Milan de l’époque. Et pour cause, ces quelques pages rigoureusement pensées et distribuées à l’occasion de son exposition Proposta per autoprogettazione livrent gratuitement au public les plans pour réaliser toute une collection de mobilier – chaise, table, bureau. Pensé comme un acte politique, le projet Autoprogettazione cherche à redonner à tout un chacun un peu de pouvoir sur son univers domestique en fabricant soi-même son mobilier avec un minimum d’outils (marteau, scie, clous et colle). 

Véritable icône de la ligne Autoprogettazione, la chaise Sedia 1 rend compte de la volonté du designer de concevoir des meubles les plus accessibles possibles tant au niveau de leur assemblage que de leurs matériaux (du sapin en l’occurrence). Le mode d’emploi étant gratuit, il suffit d’acheter des planches et des clous, pour réaliser soi-même un mobilier à prix minimum. En deux jours, on pouvait ainsi meubler un appartement avec tables, chaises, bancs, armoires, bibliothèque, bureau et lits. Mais Stefano Boeri met en garde : contrairement aux idées reçues, Mari n’a pas inventé les meubles en kit, qu’Ikea proposait déjà depuis les années 50. Ce qu’il a démocratisé est plus subtile encore : c’est le travail manuel, la conception du design soi-même.

De ce fait, Enzo Mari place la notion éducative au cœur de sa pratique. La simplicité de conception laissait également la liberté à l’utilisateur de modifier les plans d’origine à sa guise afin de s’approprier davantage les meubles, démarche encouragée par Mari lui-même, qui incitait les esprits créatifs à lui adresser notes et photos. 

Contre la médiocrité de la société de consommation
Mais surtout, l’ambition d’Autoprogettazione était d’instaurer une relation plus directe entre le créateur et l’acheteur, en court-circuitant les différents acteurs de l’industrie et de la distribution – usines et magasins – pour finalement mettre le design à la portée de tous. Inspiré par la philosophie marxiste de son époque, il met un point d’honneur à « impliquer le peuple » dans ce qui définit son quotidien, tandis que le design industriel est en plein essor. L’utopiste qu’il était espérait en outre qu’en réalisant ses meubles de ses mains, l’usager y porterait un meilleur soin dans le temps. Très vite, il se positionne alors comme détracteur de la société de consommation, et précurseur du mouvement contemporain des makers, ces partisans de l’autoproduction. Une conviction qui a guidé l’ensemble de son œuvre et de sa carrière.

Déjà en 1971, il propose au public de se réapproprier une part de l’utilisation de son mobilier avec sa « Box Chair » : un archétype de chaise montable, présentée sous la forme d’une boîte en plastique servant d’assise où sont rangés les quatre pieds. L’année suivante, en 1972, lors de l’exposition culte consacrée par le MoMA de New York au design italien, « Italy : The New Domestic Landscape », il présente ses vases ludiques nommés Pago Pago qui peuvent s’utiliser de différentes façons, tête en bas si l’envie nous en prend, toujours dans cette ambition de rendre l’usager acteur du design.

Bien des années plus tard, en 1995, Enzo Mari présente avec Alessi le projet Ecolo : un nouveau livret proposant cette fois de transformer des bouteilles de détergent vaisselle en vases grâce à différentes découpes. Il se prête lui-même au jeu et imagine une série de vases ainsi recyclés, signés de son nom : le client, ou collectionneur, a donc le choix entre l’objet signé ou bien les instructions pour le réaliser chez lui. À cette époque, Mari attire non seulement l’attention sur l’importance du recyclage, mais il questionne aussi largement le monde du design : celui-ci ne doit-il pas être démocratisé ? Un vase que l’on fabrique soi-même a-t-il moins de valeur que s’il est signé Enzo Mari ? Quelle est la frontière entre « open source design » et imitation ?

Une vision du design éthique, collaboratif et écologique
Ce penseur visionnaire, à l’esthétique austère et rigoureuse, célèbre pour ses coups de colères politiques, incarne une vision du design collaboratif et écologique, à l’époque avant-gardiste et toujours actuelle. Car le concept d’autoproduction prôné par Mari n’en finit pas d’inspirer des générations de designers critiques et engagés, jusqu’aux communautés de makers du XXIème siècle qui partagent gratuitement sur Internet les plans à construire de leurs créations. Basé à Concarneau, le Low Tech Lab n’hésite pas à concevoir par exemple une véritable bibliothèque de documentations open-source triées sur le volet, visant à démocratiser la création de technologies à la fois utiles, accessibles et durables. À Paris, l’association Bellastock prône une architecture accessible à tous, développe des outils afin de transmettre une culture architecturale basée sur le réemploi, l’autoproduction, le développement soutenable des territoires, et incite ainsi les citoyens à devenir davantage conscients de l’importance de leur cadre de vie. Celui qu’on appelle « le designer du peuple » connait son sujet : lui-même est designer autodidacte. Mari a toujours fait en sorte que son travail reste un jeu – en témoigne l’un de ses premiers projets, le puzzle pour enfants 16 Animali. Mais, bien plus important que cela, il fallait que son travail reste éthique. En 1999, il initie le Manifeste de Barcelone qui plaide pour un serment d’Hippocrate du designer. Le professeur Mari insistait auprès de ses élèves de Milan, Vienne ou Berlin : « Il vaudrait la peine de promouvoir une acceptation générale du principe selon lequel l’éthique doit guider toute forme de design » (Designing the 21st Century, Taschen, 2001). 

En témoignent les propos cités en introduction, tenus par Ettore Sottsass, à la tête du délirant et festif mouvement Memphis des années 1980 : Mari gagne le respect de tous, même de ceux que se tiennent les plus éloignés de sa rigueur et son dépouillement. Il s’impose, à l’unanimité, comme le gardien de la déontologie du design, aussi tempétueux que talentueux, fulminant contre la médiocrité de la société de consommation, contre celle de l’industrie du luxe, contre l’avilissement du peuple.

« Tout ce que l’on fait est politique  »
Loin de n’être qu’un idéal, la proximité d’Enzo Mari avec la classe moyenne est une réalité : son œuvre est omniprésente dans le quotidien des italiens, elle se cache en tout humilité dans les meubles et objets les plus anonymes et familiers : chaises de bistrot, puzzles en bois pour enfants, luminaires, pots à crayons, accessoires pour le bureau, cocottes pour la cuisine…

Ses convictions communistes, qu’il ne délaissera jamais, l’ont poussé à placer son œuvre à la disposition des gens modestes et ordinaires, et non à celle de l’aristocratie au pouvoir. Pourtant, c’est ce même engagement, ce même entêtement à sauver sa discipline de la tournure mercantile qu’elle prenait, qui ont séduit les collectionneurs : les planches de bois brut sont devenues le nouveau snobisme, les chaises rustiques ont meublé les résidences secondaires, fabriquées par des charpentiers payés pour cela, ou par la suite par des éditeurs, mais non par leurs acquéreurs, et ces intermédiaires, que sont les fabricants et les distributeurs, de revenir au galop.

« Tout ce que l’on fait est politique », martelait Enzo Mari. En 2009, il trouvait encore la force de tempêter une dernière fois ou presque, dans un texte intitulé, Que fare ? (« Que faire  ? »). Un titre à la limite du désespoir, mais à travers lequel il cherche toujours à se battre. Le texte resitue l’histoire du design, né en Allemagne dans la décennie 1920 puis dans l’Italie des années 1950 : « L’on pensait naïvement que l’intelligence d’un produit pouvait avoir une influence positive sur les besoins, et donc sur le marché. Cette ligne utopiste était en harmonie avec le climat de reconstruction, matérielle et idéologique, de l’après-guerre, qui touchait tous les Européens. Dès les années 1960 pourtant, commençaient à apparaître les signes d’une société corrompue par la faiblesse de la pensée et rendue obtuse par « l’exploitation globale » du règne de la marchandise. » Oui, que faire ? Comment faire partie du marché en restant intègre ? Ou comment « rester digne en étant populaire » – questionnerait Kipling ? Et comment immiscer un peu d’utopie dans la société industrielle ? 

L’intégrité qu’il cherchait à tout prix à préserver aura eu raison de lui : désespéré par son époque, exaspéré par ce qu’était devenu le monde du design ses dernières années, il finit par offrir à la ville de Milan l’intégralité de ses archives, mais à la condition que celles-ci restent inaccessibles pendant quarante ans… le temps qu’une nouvelle génération « non dégradée comme celle d’aujourd’hui, puisse en faire un usage conscient ». C’est tout ce qu’on lui souhaite. 

INFORMATIONS PRATIQUES

Texte — Emmanuelle Oddo
Photos — Artek

ARCHITECTURE BALNÉAIRE

A l’heure où une urbanisation concertée des sites sensibles reste, sur Le territoire varois, plus que jamais d’actualité.

L’avènement d’un tourisme à grande échelle va de pair avec la sortie de terre de nombreuses constructions balnéaires. Prisé, le littoral méditerranéen a été considérablement impacté par cette mutation sociale. Entre utopie et fonctionnalité, les programmes alors imaginés incarnent une pensée en mouvement et une volonté de concilier architecture, accueil du plus grand nombre et préservation environnementale. Décryptage avec Pascale Bartoli, co-fondatrice de l’agence Architecture 54 à Marseille et auteur d’un ouvrage sur la question*.

 

Un contexte sociétal

Avec les années 50 sonne l’apparition de nouveaux modes de vie. Les avancées sociales de l’aprèsguerre et notamment les congés payés imposent un tourisme désormais accessible à tous. A la fois résultat et catalyseur des mutations qui bouleversent la société des Trente Glorieuses, il favorise le progrès social et une aspiration à la liberté individuelle hors du temps de travail. En pratique, l’accroissement des revenus génère un nouvel attrait pour les vacances qui se porte tout naturellement sur les stations balnéaires et les littoraux. Sous le doux nom d’héliotropisme, encouragées par une culture qui valorise coquillages et crustacés, des foules entières se précipitent sur la côte, désireuses de goûter aux plaisirs de la plage. Conscients des enjeux économiques du tourisme, les pouvoirs publics instaurent une politique incitative à ce grand déploiement qui s’oriente majoritairement vers 3 territoires : le Languedoc-Roussillon, les Alpes Maritimes et le Var qui, chacun développe en fonction de son histoire, de son attractivité et de ses atouts, des modèles propres.

 

Trois modèles

Sur le littoral languedocien, les mutations accompagnées en 1963 par la mission interministérielle Racine reconnaissent le principe de six unités touristiques sur 180 km de littoral. Saint-Cyprien, Leucate – Le Barcarès, Gruissan, le Cap d’Agde, la Grande Motte et Port Camargue, séparés par de vastes zones naturelles, voient le jour. Avec un objectif de construire, en 20 ans, les infrastructures ainsi que 500 lits touristiques nécessaires au développement d’une économie qui fait défaut à cette partie du pays. Près d’un million de vacanciers sont attendus dans ce qui sera surnommée la Floride ou la Californie française et résonne désormais comme l’emblème des sites de tourisme populaire. Autre ambiance, l’aménagement des plages des Alpes Maritimes, fréquentées par les touristes issus des hautes sociétés européennes depuis le début du XIXème, repose sur un autre modèle. Les stations climatiques fixées à proximité de zones déjà urbanisées s’avèrent très codifiées entre la promenade, le casino, les palaces et les villas qui se dispersent sur les pentes escarpées du littoral. Les palaces, justement, peinent à retrouver leur clientèle et s’essaient à la reconversion, notamment en copropriétés. A mi-chemin, le Var joue une carte singulière. Elle se concrétise durant les Trente Glorieuses par un développement sans précèdent de ses équipements touristiques et de loisirs. Une dynamique immobilière qui s’inscrit dans les grands débats doctrinaires de l’époque sur l’habitat, le logement social et le logement pavillonnaire. Avec une vraie spécificité, la prise en compte du paysage et de l’environnement dans les projets. Le Var met ainsi en avant une expérience architecturale innovante en écho avec la modernité critique.

 

Des opérations significatives

Les travaux réalisés par Pascale Bartoli « 1955-1975 : Les ensembles résidentiels de vacances sur le littoral varois » révèlent les enjeux à l’oeuvre. Cette vue d’ensemble permet d’appréhender l’originalité et l’exemplarité de la réflexion architecturale, urbaine et sociologique de ces projets. « C’est en constatant la quantité des publications sur les quatre principaux projets de villages de vacances du littoral varois (le Merlier de l’Atelier de Montrouge, le village des Fourches de Lefèvre et Aubert, le Graffionier de l’AUA et Port Grimaud de François Spoerry) que l’intérêt d’un inventaire s’est manifesté. En effet, le retentissement d’une poignée d’opérations permet d’envisager la découverte de nombreux autres projets réalisés ou bien seulement esquissés ». La problématique est posée. Le Var possède une culture agricole, peu d’infrastructures. L’industrie y est inexistante. Le tourisme s’impose comme la seule vraie possibilité d’essor économique. Cette déferlante saisonnière, certes souhaitée, doit cependant composer avec un autre enjeu, la préservation des atouts naturels et notamment de vastes zones côtières naturelles.Les liaisons sont encore difficiles. « Au début des années 1950, le littoral des Maures est dépourvu de voies de communication, les déplacements se font par cabotage. ÀToulon, où la raison militaire supplante toutes les autres, rien n’est fait pour faciliter les échanges avec l’Est ».

Un plan avant-gardiste 

Les premiers jalons sont posés dans les années 1920-1930 avec le Plan Prost (1926), particulièrement novateur pour l’époque. Avec comme objectif, l’embellissement du littoral varois depuis Hyères jusqu’à Saint-Raphaël, il initie des modes d’urbanisation concertés et respectueux du paysage. « C’est ainsi la première tentative de constitution d’un urbanisme de bord de mer propre à ce territoire. Visionnaire, il continue par son actualité et sa modernité, d’influencer l’urbanisme aujourd’hui ». Etape par étape, celle-ci s’organise et prend forme de lotissements isolés, occasionnellement articulés avec un hôtel et ses équipements sportifs et balnéaires. L’Entre-deux-Guerres voit un autre phénomène se produire. De larges domaines situés à l’écart des centres existants sont morcelés et vendus à des vacanciers en quête d’un habitat plus proche de la nature et en rupture radicale avec les formes traditionnelles de leur vie citadine. « L’automobile a incontestablement soutenu cette diffusion de l’urbanisation structurée autour de voieries en corniche d’où l’on apprécie déjà le paysage ». Le département évolue et développe dans la foulée une géographie et une tradition farouche de préservation du paysage.

 

Un tourisme à grande échelle 

L’arrivée en force des Villages de Vacances accélère la cadence. Créée en 1959, avec la troisième semaine de congés payés autorisée 3 ans plus tôt, l’association VVF, gérée entre autres par la Caisse des Dépôts et Consignations, innove. L’acronyme est révélateur et le concept en phase avec l’état d’esprit de l’époque. Ce mouvement de fonds bouleverse incontestablement le marché du tourisme dit de masse en introduisant le principe d’offre de « séjours tout compris ». La proposition consiste, en effet, en un accueil complet de loisirs et de services et un hébergement en hameaux à des familles dans l’incapacité financière de partir (vraiment) en vacances. La fédération nationale des foyers et clubs de loisirs Léo Lagrange, sous l’impulsion du parti socialiste, coordonne alors la construction d’équipements qui vont se multiplier et déterminer de nouvelles formes architecturales. « La véritable évolution de la commande réside dans l’arrivée des programmes sociaux représentés par l’État et le milieu associatif. Ils vont s’inscrire dans une approche la plus souvent traditionnelle et pragmatique avec une réappropriation des rites des vacances. C’est du point de vue morphologique que se situent les principales innovations et expérimentations de formes architecturales inédites. La relation forte des projets avec les côtes varoises pose les fondements de ce qu’on pourrait appeler « l’architecture paysage » ou « l’architecture orographique ». Trois grandes catégories de programmes combinant différentes formules de logements individuels ou collectifs émergent ; l’échelle de l’unité résidentielle (grands ensembles, hameaux et villages), l’unité de voisinage (urbanisations raisonnées, quartiers) et celle de la petite cité (stations balnéaires intégrées). Citons, quelques exemples significatifs, celui du village des Aludes à La Garde Freinet construit par André Wogensky et Alain Amédéo, au milieu des années 70 marque la montée en puissance d’une idéologie communautaire et solidaire. Elle prévaut d’ailleurs à l’organisation des équipements et des activités. Le principe est simple, il s’agit d’initier aux loisirs quels qu’ils soient, sportifs ou culturels, les classes dites laborieuses pour favoriser les relations sociales. Un parti pris qui implique, par exemple, la prise en charge des tâches ménagères, des repas et la garde des enfants. Le village du Pradet créé en 1962 par André Devin fait, à ce titre, figure de pionnier sur le littoral varois.

 

Institutions et promoteurs de la partie 

Ce tourisme social est impulsé par les institutions. Mais la promotion privée comprend l’intérêt de se positionner et s’illustre à travers quelques grands noms. On y compte François Leredu installé à Hyères et spécialisé dans les programmes balnéaires de standing tels que le domaine Gaou-Bénat, le golf de Valcros, le domaine Pardigon de Lefèvre et Aubert, le Château Volterra de l’atelier de Montrouge. Marius Cayol, promoteur toulonnais de Simone Berriau plage en est un autre représentant comme l’architecte François Spoerry. On lui doit le concept de station intégrée tel celui de la cité Lacustre de Port Grimaud. Célèbre, cet ensemble architectural unique, inscrit en 2002 au « Patrimoine du XXème siècle », imaginé et construit à partir de 1966, possède la particularité d’être organisé en copropriétés privées qui assument entièrement son entretien et sa préservation. Véritables innovations en matière d’urbanisation à l’échelle du territoire, des lotissements géants se développent désormais sur les côtes. Celui du Rayol Canadel est particulièrement représentatif. Classiquement connecté au réseau ferré, par son échelle et son étalement sur les côtes escarpées du littoral entre le Cap Nègre et Cavalaire, il échappe à toutes possibilités de compositions ordonnancées. La référence à la figure villageoise continue à séduire mais les promoteurs misent de plus en plus sur ces complexes imposants. La création de stations balnéaires intégrées incarne le double enjeu du tourisme : accueillir un large public sans dénaturer les paysages. Des stations entières sortent de terre. Echelonnées entre 200 et 1500 logements, elles restent malgré tout, quantitativement moins importantes que celles du Languedoc-Roussillon.

 

Une mobilisation active pour l’environnement 

Dans les années 70, le grand public se mobilise sur de nouveaux enjeux comme la protection de la nature et du littoral. Symboles s’il en est, le Conservatoire du même nom verra d’ailleurs le jour en 1975 et la Loi Littoral sera votée 11 ans tard. Le ton est donné, sans retour en arrière possible. Certains projets comme Marina Baie des Anges entre Cagnes sur Mer et Villeneuve Loubet sont pointés du doigt, alors même que leur vertu et leur intérêt sont depuis reconnus, entre autre par la labellisation « Patrimoine du XXème siècle ». La législation a ses limites. L’urbanisation n’est pas stoppée, elle permet la construction en continuité des agglomérations. Et dans un département où le BTP possède un poids incontestable, les dérapages ne sont pas rares…. Ce tour d’horizon ouvre le débat. Le tourisme de masse, par la dimension utopique et expérimentale qu’il véhicule, offre de nouvelles libertés et créativité, donnant naissance à des logements en rupture avec les formes traditionnelles. Avec de nouveaux pré-requis, séduire, certes mais également rationnaliser de façon constructive et morphologique. Sans exclure, donnée essentielle du Var, la notion d’intégration paysagère. Se pose ainsi la question, contradictoire, de l’aménagement des sites naturels et sauvages. Comment ouvrir au plus grand nombre sans dénaturer ? Des outils et des enseignements qui font écho dans le domaine de la prospective territoriale. A l’heure où une urbanisation concertée des sites sensibles reste, sur ce territoire, plus que jamais d’actualité.

* Habiter les Vacances Architectures et urbanismes sur le littoral du Var Par Pascale Bartoli Éditions Imbernon

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Crédits ©2020 Texte Fabienne Berthet & Pascale Bartoli – Photos Pascale Bartoli
Article issu de la Revue n°l selon ARCHIK

LES ARCS FÊTE SES 50 ANS !

Un des challenges majeurs de ce projet fut d’intégrer le bâti dans le relief pour prioriser les paysages.

Il y a tout juste 50 ans, en 1968, Charlotte Perriand s’associait à deux personnalités exceptionnelles : Roger Godino et Robert Blanc, respectivement entrepreneur natif de Chambéry et guide de haute montagne. Ensemble, ils se lancèrent dans le projet osé de concevoir ex-nihilo une nouvelle station de sports d’hiver au dessus du village de Bourg-Saint-Maurice et face au Mont Blanc.

Référence mondiale dans l’habitat de loisirs et notamment inspirée par le Mouvement Moderne de Le Corbusier, Charlotte Perriand a pris le parti d’offrir la modernité et le design à tous, rendant très accessible son architecture par sa conception. Un des challenges majeurs de ce projet fut d’intégrer le bâti dansle relief pour prioriser les paysages.

Aujourd’hui, l’architecture s’adapte totalement à la pente existante, faisant des Arcs une station mondialement connue et reconnue par de nombreux architectes et urbanistes. Cet hiver – et ce jusqu’en 2019 – sera donc célébré et ponctué par de nombreux événements le 50e anniversaire de la station des Arcs.

On en profite pour découvrir le documentaire « Les Arcs, la part du rêve » de Clément Taillefer sur le travail de son père Bernard Taillefer, grand architecte des Arcs.

ON AIME

L’architecture respectueuse et adaptée à l’environnement existant

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Station de ski les Arcs